la maison de Molière

 

Le quartier de la bourse du Commerce est ancien et plein de souvenirs. Non loin, à l'angle de la rue Saint-Honoré et de la rue Sauval, autrefois rue des Vieilles-Étuves- l'un des carrefours les plus animés de Paris- est né Molière dans la maison aux Singes. La maison portait ce nom curieux en raison de sa décoration: un poteau représentant des singes cueillant des fruits dans un arbre et un autre, sans doute plus malin, posté au pied de l'arbre et qui les recueillait. Hélas, la maison a été détruite au début du XIXème siècle (1) et seule une plaque commémore la présence de cet habitant prestigieux.
Le registre des baptêmes de sa paroisse, l'église Saint-Eustache (aujourd'hui de l'autre côté du jardin des Halles) nous apprend qu'il y fut baptisé le 15 janvier 1622. Louis XIII était alors un jeune roi de 21ans, il venait de se réconcilier avec sa mère Marie de Médicis grâce à la diplomatie de Richelieu alors encore créature de la Reine-Mère. la Fontaine venait de naître au mois de juillet de l'année précédente et un anonyme s'apprêtait à publier, sous forme de petits cahiers, les caquets de l'accouchée, satire parisienne s'il en fut, puisque l'on y raconte l'histoire d'un Parisien qui, pour se divertir, se rend rue Quincampoix, chez une cousine qui a accouché pour écouter les commérages des bourgeoises venues lui rendre une visite d'usage. Molière, si friand des mœurs de la vie parisienne a sans aucun doute connu ce best-seller de l'époque plusieurs fois réédité.

Non loin de la maison où Molière passa son enfance se trouve la fontaine de la Croix du Trahoir.
le trahoir était l'un des carrefours les plus importants de Paris. Plusieurs hypothèses sur son nom trahoir (idée de tirer, traîner): soit parce qu'on y tirait les étoffes, soit parce qu'on l'on y tirait les animaux destinés à la boucherie. Il y avait comme à de nombreux carrefours, une croix qui fut détruite en 1789. Il y avait aussi une roue de supplice et une potence qui autrefois était destinées aux exécutions des condamnés(2) de la justice ecclésiastique puis qui servirent à l'exécution des faux-monnayeurs. Selon la justice du temps, on y coupait aussi les oreilles des serviteurs indélicats.

François Ier fit ériger une première fontaine par Jean Goujon qui fut déplacée mais celle que l'on peut voir à l'angle des rue Saint-Honoré et de l'Arbre-Sec a été bâtie par l'architecte Soufflot en 1776.
Aujourd'hui, les locaux de la fontaine sont occupés par un collectif d'artistes parrainé par le prix Nobel de littérature Gao Xingjian. Outre des ateliers on y trouve un studio de musique et une galerie d'art au rez-de-chaussée.

Alors en vous baladant dans le quartier des halles, entre Saint-Eustache et la rue Saint-Honoré, à l'angle de la rue Sauval et de la rue Saint-Honoré vous pourrez imaginer que là, Molière vécu ses plus jeunes années dans un quartier vivant, grouillant, dans un mélange des genres qui nous effraierait aujourd'hui, entre des étalage et un lieu d'exécution.

(1) De passage à Paris, en 1839, Richard Wagner vécu dans l'actuel maison du 96 rue Saint-Honoré . Il était dans un état de dénuement extrême pensait que l'esprit de Molière pourrait l'aider à trouver l'inspiration.

(2) À Paris, les juridictions, tout au moins jusqu'à la fin du Moyen Âge sont très embrouillées - ce dont les justiciables cherchent à tirer partie- l'évêque de Paris, bien sûr, a la sienne, le For l'Évêque qui a son tribunal a la hauteur de notre rue Saint-Geermain-l'Auxerrois (derrière chez Vilmorin). Cependant, selon l'adage "Ecclesia abhorret a sanguine" l'évêque ne peut faire couler le sang sur une terre relevant de sa juridiction. Le lieu d'exécution est donc en limite des terres relevant de la juridiction épiscopale.