Le Peintre et la Colonne

Octobre 2016

colonne Vendôme
By Lionel Allorge (Own work) [GFDL (http://www.gnu.org/copyleft/fdl.html), CC BY-SA 3.0 (http://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0) or FAL], via Wikimedia Commons


Gustave Courbet (1819-1877), peintre réaliste connu pour Un Enterrement à Ornans, les Casseurs de pierres, les Baigneuses ou d'admirables paysages fut un anarchiste convaincu, anticlérical et ami de Proudhon. Durant le second Empire, fidèle à ses convictions, il refusa la légion d'Honneur puis à la suite de la guerre de 1870, prit une part active aux événements de la commune. En 1871, il fut élu au conseil de la commune par le VIème arrondissement et nommé délégué aux Beaux-Arts. 
Il prit alors des mesures de protection pour épargner les oeuvres d'art, notamment au Louvre, à la manufacture des Gobelins et à celle de Sèvres.

Par ailleurs, il proposa au Gouvernement de la Défense Nationale de déboulonner la colonne Vendôme pour la placer aux Invalides où, selon lui, elle a davantge sa place. Cette proposition entraîna le peintre dans une série d'événements qui devaient assombrir la fin de son existence.
Le 13 mai 1871, la Commune décida d'abattre la colonne. La décision fut ainsi justifiée: 
 
La Commune de Paris considérant que la colonne impériale de la place Vendôme est un monument de barbarie, un symbole de force brutale et de fausse gloire, une affirmation du militarisme, une négation du droit international, une insulte permanente des vainqueurs aux vaincus, un attentat perpétuel à l'un des trois grands principes de la République française, la fraternité, décrète:
Article unique-  la colonne Vendôme sera démolie.

La colonne avait été en effet érigée en 1810 pour commémorer la bataille d'Austerlitz. Elle était composée de fûts de pierre recouverts d'un revêtement de bronze de 180 tonnes obtenu avec les canons enlevés aux armées russes et autrichiennes.
À la suite de cette décision, Courbet réclama de superviser l'opération ce qui par la suite fit de lui le responsable de cette démolition.
La destruction fut prévue pour le 5 mai 1871 anniversaire de la mort de l'empereur mais les opérations militaires obligèrent les autorité à en reposter l'exécution au 16 mai.
La foule se pressa sur la place et aux fenêtres pour assister à l'événement et à la deuxième tentative, les 98 tambours de la colonne s'effondrèrent.
 
colonne vendôme 1870 colonne vendôme abattue
 
Recueil de photographies d'après nature sous la Commune de Paris du 18 mars au 21 mai 1871 par Léautté.
Gallica


Courbet fut arrêté le 7 juin. Incarcéré à Sainte-Pélagie, il fut condamné à 500 francs d'amande et 6850 francs de frais de procédure mais ses malheurs ne s'arrêtèrent pas là.
En mai 1873, Mac-Mahon décida de faire reconstruire la colonne aux frais de celui qui fut jugé principal responsable de sa destruction, Courbet. Le montant de la reconstruction fut estimé à 323 091,68 francs(1).
Courbet à Sainte-Pélagie
Autoportrait à Sainte-Pélagie, Ornans, Musée Courbet
 
Courbet, est alors acculé à la ruine. Ses biens sont mis sous séquestre et ses toiles confisquées. La dette est échelonnée à raison de 10 000 francs par an.
Il s'exile en Suisse et s'installe sur la riviera lémanique, seul endroit où il peut espérer trouver une clientèle. Et, de fait, la demande est tellement forte qu'il emploie des collaborateurs pour l'aider à préparer ses paysages et qu'il lui arrive de signer telle ou telle toile de l'un de ses collaborateurs sans se cacher de ce mode de production.
La première traite, qui ne fut jamais honorée, arriva peu de temps avant sa mort.
Durant toute la période de son exil en Suisse, par solidarité avec les exilés, il refusa de rentrer en France . Par respect de sa volonté, il fut donc inhumé en Suisse à la Tour-de-Peilz le 3 janvier 1877.
Ce n'est qu'en 1919 que sa dépouille fut transférée à Onans.
Quant à la colonne, elle fut quand même reconstruite en 1875.

(1) Pour avoir une idée de la somme astronomique, j'ai trouvé que le peintre Pajou paie son domestique 500 frcs par an en 1828 et qu'en 1890 un facteur est payé 600 francs par an pour des tournées à pied de 28km en moyenne(lui sont en outre payés un vêtement et deux paires de chaussures!).
Source: http://noisy93160.histoire.free.fr/documents/2012-12-10_prix_et_salaires_19_et_20eme_siecles.pdf

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